La transition agro-écologique au coeur du colloque Symbiose-URCA

Le 7 octobre dernier se tenait le colloque Symbiose-URCA(1) « Agroécologie-Paysages-Aménagement » soutenu financièrement par la Région Grand Est, la DRAAF et la chambre d’agriculture de la Marne. Il clôturait la première phase du partenariat scientifique Symbiose-URCA signé en juillet 2021.

 « Ce colloque avait trois objectifs, souligne Benoit Dugua, maître de conférence à l’URCA, coordinateur et responsable scientifique du projet Symbiose-URCA : restituer les travaux issus du partenariat URCA-Symbiose, faire intervenir des experts dans le domaine de l’agro-écologie et des paysages et réunir un public le plus divers possible (acteurs de terrain, élus, étudiants, chercheurs…) pour confronter les idées sur la transition agro-écologique. »

Retrouvez les vidéos complètes de chaque intervention sur le site de l’URCA.

 

 Forces, faiblesses et recommandations

Eva Guilman, ingénieur d’étude URCA-Habiter, qui a conduit la première phase des travaux du partenariat URCA-Symbiose a dressé les forces et les faiblesses de l’action de l’association (voir encadré 2). De ce constat, en découlent des recommandations (voir encadré 3) pour Symbiose mais pas seulement. « Ces recommandations visent plutôt à définir quelques critères en faveur du passage d’une agroécologie faible à forte, précise Benoit Dugua. La perspective d’une transition agroécologique forte nécessite a fortiori l’implication et la mobilisation active de l’ensemble des parties prenantes du système agri-alimentaire champenois et notamment des pouvoirs publics. L’association Symbiose occupe néanmoins une position stratégique pour y contribuer en tant qu’acteur-relais. »

 Une plus-value de l’approche paysagère

L’intervention de Sophie Bonin, enseignante-chercheuse à l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage (ENSP Versailles) a permis de comprendre en quoi le paysage, en tant qu’outil, permet de designer des projets de territoire systémiques. Autrement dit, comment le paysage permet de prendre en compte des enjeux agronomiques, économiques, pédo-géologique, topographique, historique, lié à l’aménagement, dans la construction de projet de territoire. Ariane Lendhardt, cheffe de projet éco-paysage chez ARP Astrance, a illustré cette plus-value de l’approche paysagère dans la transition agroécologique avec l’exemple du domaine de Grignon situé dans la plaine de Versailles.

 Accompagner les futurs agriculteurs

Les travaux de ces premières rencontres régionales, qui ont vocation à devenir un événement annuel favorable à la co-construction de la transition agroécologique, ont été conclus par Hervé Lapie, président de Symbiose. « Notre force est de rassembler beaucoup d’acteurs sur notre territoire, de travailler aussi avec les lycées agricoles pour former nos futurs agriculteurs et agronomes. Une de nos faiblesses est la difficulté de démultiplier nos projets sur tout le territoire. Il faut qu’on y travaille avec l’Urca. Je retiendrais aussi la notion d’agro-écologie douce car l’agriculture, c’est le monde du vivant. Les transitions prennent du temps. Quant à la notion de paysage, les agriculteurs y sont sensibles. C’est plus agréable et facile de travailler dans un paysage vivant. Il faut maintenant regarder devant nous et voir comment nous pouvons accompagner les futures générations vers cette transition agro-écologique. »

(1)Université Reims-Champagne-Ardenne

 

Encadré 1 : La « boîte à outils » de Symbiose

Les paysages de la Champagne crayeuse, territoire de travail de Symbiose, ont connu de profondes évolutions depuis 1750 (paysage de savarts avec de l’élevage) jusqu’à nos jours (paysage de vaste plaine avec des grandes cultures et développement de l’agro-industrie) comme l’a rappelé Floris Schruijer, ingénieur agronome et réalisateur du film « Tu nourriras le monde ».

Pour restaurer la biodiversité dans cette vaste plaine crayeuse, notamment par le biais des trames vertes, l’association Symbiose a été créée en 2012. « Elle rassemble une diversité d’acteurs (chercheurs, agriculteurs, chasseurs, apiculteurs, naturalistes, techniciens, financeurs, etc.) autour de problématiques à l’interaction entre activités agricoles, gestion de la biodiversité et transformation des paysage », soulignent Benoit Collard, agriculteur, secrétaire général de Symbiose et Jean-Marie Delanery, agriculteur et président de l’association ABAT (Agriculture et Biodiversité Autour de Tilloy).

Différentes expérimentations ont ainsi été conduites localement. En multipliant les aménagements concrets, Symbiose contribue à constituer un cadre méthodologique ou une « boite à outils » en faveur d’une meilleure interrelation des enjeux agricoles, de biodiversité et paysagers (haie, buisson, bande tampon, gestion différenciée des parcelles de luzerne et des bords de chemins, jachère mellifère…).

 

Encadré 2 : Les forces et faiblesse de Symbiose selon l’URCA

  • Symbiose contribue à structurer un large réseau d’acteurs (associations, syndicats, collectivités, coopératives, secteur privé, etc.) intervenant à différentes échelles. Sa logique d’action ascendante en relation étroite avec le monde agricole lui permet de répondre à des problématiques locales et de fédérer les acteurs de terrain dans la mise en œuvre des aménagements. La mutualisation de différentes formes de ressources/expertises (notamment faunistique, agronomique, écologique mais aussi d’animation) est favorable à l’émergence de projets transversaux. Sa capacité à réunir et faire dialoguer les acteurs locaux lui permet d’aborder les enjeux de biodiversité dans une approche systémique et transversale.
  • Symbiose se saisit des dispositifs et/ou contraintes émanant du niveau régional (Programme plantons des haies), national (RSE ou séquence ERC) ou européen (paiements verts) pour initier localement des projets en faveur de la biodiversité.
  • Les expérimentations sont menées par essais/erreurs dans une approche tâtonnante visant à capitaliser des résultats à partir des observations et résultats observés in situ. Symbiose se positionne ainsi au sein du territoire comme un véritable acteur-relais en faveur des enjeux de biodiversité. Elle vient ainsi dépasser la défaillance des politiques publiques existantes en faveur notamment de la mise en oeuvre de la trame verte et bleue.
  • Cependant, les sites d’expérimentation concernent par ailleurs des espaces exclusivement agricoles et n’abordent pas les espaces agri-urbains (lisières ville/campagne, ceintures maraichères et paysagères…) qui sont au coeur des problématiques liées à transformation des relations villes-campagnes et qui constituent également un sujet important d’aménagement du territoire.
  • Par ailleurs, les expérimentations relèvent plutôt d’une forme d’agroécologie dite « faible » qui vise à réintroduire de l’écologie dans le système agricole dominant, mais sans pour autant contribuer à son changement.

 

Encadré 3 : Passer d’une agro-écologie faible à forte

Benoit Dugua, coordinateur et responsable scientifique du projet Symbiose-URCA, recommande à Symbiose mais également à tous les acteurs concernés un certain nombre d’actions pour pouvoir passer d’une agro-écologie faible actuelle à une agro-écologie forte qui nécessite de profonds changements.

  • Replacer la Champagne crayeuse dans une lecture rétroprospective de l’évolution du système agri-alimentaire territorialisée afin notamment de réouvrir le champ des possibles et définir des trajectoires/scénarii de transition.
  • Développer des dispositifs partenariaux originaux au sein d’un ou plusieurs territoire-pilotes, lieux d’expérimentation de la transition agroécologique en champagne crayeuse.
  • Réinscrire les expérimentations Symbiose dans une approche systémique et territorialisée via le recours aux projets de paysage agroécologique.
  • Amplifier les expérimentations afin de concevoir des infrastructures paysagères qui soient aussi des outils de reconception des systèmes agraires (haies productives, réduction des intrants par les auxiliaires de cultures, etc.).
  • Investir les espaces d’interface ville-campagne comme lieux stratégiques pour la transformation des métabolismes agri-urbains et en réponse aux enjeux de souveraineté alimentaire.
  • Favoriser l’accès à la propriété foncière pour des expérimentations en faveur d’une transition agroécologique forte.