Porter un autre regard sur le vignoble

Visite Ambonnay 24-07-13
Les participants de la réunion du 24 juillet 2013 observant une haie implantée en marge d’une parcelle de vigne présentant un léger devers – Ambonnay (51)

L’association Symbiose et ses partenaires représentants la profession viticole (CIVC, SGV et Chambre d’agriculture), le Parc Naturel Régional de la Montagne de Reims et la Fédération Régionale des Chasseurs de Champagne-Ardenne ont invités les viticulteurs locaux et leurs représentants à une réunion de terrain le mercredi 24 juillet 2013. Les viticulteurs sont venus nombreux participer à cette réunion qui a rassemblé près de 25 personnes.


La première partie de cette réunion a eu lieu à 9 h 30 à la mairie d’Ambonnay, dans une salle mise à disposition par Monsieur Eric Rodez viticulteur et Maire de la commune.
Un exposé en salle a permis de présenter l’Association Symbiose et ses actions tout en rappelant le contexte et les enjeux de cette réunion technique. En effet, suite à la réunion du 11 janvier 2013 qui avait rassemblé de nombreux représentants de la profession viticole et agricole, l’association «Symbiose, pour des paysages de biodiversité» a réalisé un premier diagnostic de terrain sur les communes d’Ambonnay, Billy le Grand, Trépail, Vaudemanges et Bouzy. A l’issue de ce travail préliminaire, de nombreux enjeux relatifs à la gestion et au maintien de la faune et de la flore ont été identifiés au sein ou en marge du vignoble. Cet état des lieux a aussi favorisé l’identification de pistes d’actions concrètes permettant d’allier gestion efficace des espaces d’accompagnement des parcelles viticoles et maintien de certains éléments de biodiversité.

Point n°1 :

Les lisières du massif forestier de la montagne de Reims hébergent des espèces et des habitats naturels remarquables. Interface entre les boisements et le vignoble ces espaces font l’objet d’une gestion (contrôle du développement des broussailles) nécessaire au maintien des éléments de faune et de flore dépendant de ces talus herbacés ouverts.
Malheureusement, l’absence de gestion régulière ou la mise en œuvre d’opérations trop brutales (talutage et désherbage chimique) sont de nature à compromettre le maintien des espèces les plus fragiles tout en favorisant le développement d’espèces végétales indésirables. Aussi, la mise en place de broyages annuels tardifs (septembre-octobre) est de nature à limiter le développement des Clématites des haies et des broussailles tout en permettant aux espèces animales et végétales d’effectuer leurs cycles vitaux. Les secteurs les plus embroussaillés nécessitent toutefois la mise en œuvre d’opération de gestion plus appuyées associant un broyage précoce (entre fin février et mi mars) et un broyage tardif (septembre-octobre).

 Point n°2 :

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Riche pelouse calcicole localisée sur un talus viticole. On remarque la floraison remarquable du Genêt poilu et de la Potentille printanière

La flore spontanée peut être un atout de taille pour les viticulteurs quant elle assure la réalisation de plusieurs services gratuits en tout facilitant la gestion des espaces qu’elle couvre.
Le talus présenté lors de cette réunion est caractérisé par la présence d’un cortège d’espèces typiques des pelouses sur sol calcaire. Ces communautés herbacées maigres sont stables et adaptées à la topographie et à la nature du sol. Au contraire d’un talus régulièrement désherbé, hébergeant du Brome stérile ou d’autres espèces adventices à problèmes, ce talus est colonisé par des espèces végétales spontanées naturellement fixatrices des sols nus. Il s’agit notamment du Genêt poilu ou de la Germandrée petit chêne dont le développement et la couverture limite l’érosion superficielle tout en retenant une partie du substrat.
Par ailleurs la grande richesse floristique (pas moins de 39 espèces végétales observées sur les chemins et le talus de Billy-le-Grand), outre un caractère esthétique indéniable (nombreuses floraisons) favorise la présence d’une grande diversité d’insectes dont plusieurs espèces d’auxiliaires de cultures. Ce talus enclavé au sein des vignes bénéficie d’un historique d’entretien exempt de désherbage chimique ainsi que d’une gestion par le biais d’une fauche annuelle.

Talus viticole faisant l’objet d’un désherbage systématique. On remarque la dominance du Brome stérile et on imagine le risque de dissémination de cette espèce indésirable – commune de Billy-le-Grand (51)
Talus viticole faisant l’objet d’un désherbage systématique. On remarque la dominance du Brome stérile et on imagine le risque de dissémination de cette espèce indésirable – commune de Billy-le-Grand (51)

Cet exemple, bien que singulier, met en évidence toutes les potentialités de ces espaces marginaux tant dans l’intérêt des viticulteurs que de la biodiversité.
En ce qui concerne les chemins et les fourrières, la flore à l’instar de celle des prairies pâturée intègre de nombreuses espèces résistantes au tassement et à la coupe régulière telles que Ray grass, le Trèfle rampant et la Potentille rampante. Compte tenu des contraintes imposées à la flore, sa diversification apparaît complexe. Néanmoins, un ajustement des pratiques peut permettre d’agir de manière satisfaisante sur le couvert herbacé. Lorsque cela est techniquement possible, il est intéressant d’opter pour une tonte la plus tardive possible sur les chemins et les fourrières en ajustant la fréquence du fauchage au minimum nécessaire. La fauche tardive permet aux espèces végétales de fleurir et de produire des semences. Afin de limiter le développement des espèces adventices indésirables, il est conseillé de limiter l’enrichissement du sol en limitant la fréquence des tontes et en exportant les produits.

Point n°3 :

Etape n°1 : Aménagement des chemins de desserte viticole, exemple des voiries pilotes d’Ambonnay

La gestion de l’hydraulique des coteaux est un enjeu important dans l’aménagement global du parcellaire viticole notamment afin d’assurer la protection de l’appareil de production (accessibilité des parcelles, fertilité des sols,…). Dans ce cadre, la lutte contre les problèmes de ruissellement et d’érosion a donné lieu, depuis de nombreuses années, à des innovations en terme d’aménagements parcellaires et hydrauliques mises en place à l’initiative de la profession viticole. A cet égard, l’implantation de 5 voiries drainantes en dalle-gazon par l’Association Syndicale Autorisée d’Ambonnay et leur suivi technique par la Cellule Erosion de la Chambre d’Agriculture de la Marne permettra d’acquérir un retour d’expérience concret dans le vignoble Champenois.

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Les dalles béton-gazon favorisent l’infiltration et le stockage d’une partie del’eau de pluie lors des précipitations d’intensité normale

Ces dalles-gazon utilisées notamment pour limiter l’imperméabilité des espaces publics, peuvent constituer une sérieuse alternative aux chemins bétonnés.
Outre une surface de drainage relativement importante favorisant l’infiltration d’une partie des eaux de ruissèlement, ces grilles, implantées sur un lit porteur à base de graviers et de pierres, assurent un maintien de portance des chemins garantissant l’accessibilité des parcelles tout en permettant le développement d’un couvert herbacé en son centre (dans le cas présenté) et au sein de ses interstices.
Différents types de grilles (béton, polyéthylène haute densité et PVC) sont testés en tenant compte du contexte de leur implantation et de leur résistance aux contraintes mécaniques occasionnées par le passage répété des véhicules. Sur ce point, le polyéthylène haute densité semblerait plus sensible aux fortes contraintes notamment celles exercées lors du demi-tour des tracteurs.

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Présentation des aménagements réalisés par l’ASA d’Ambonnay par Pierre DETHUNE (ASA Ambonnay) et Xavier CARPENTIER (Chambre d’Agriculture de la Marne)

Etape n°2 : le collecteur d’eau pluviale

Sous réserve des contrainte liées à la bonne gestion et au maintien de sa destination initiale, les marges et parfois le fond de ces collecteurs peut très judicieusement être le support de couverts herbacés et arbustifs favorables à de nombreuses espèces animales et végétale. Il est toutefois important de souligner que le développement d’arbres et d’arbustes ne peut être toléré que dans le cas des bassins créés par déblais. Les digues en remblais présentent de forts risques de déstabilisation par le développement des racines ou le chablis des arbres mal enracinés.
L’observation de la flore présente au sein et sur les marges des bassins permet d’identifier les risques de développement d’espèces adventices à problèmes et ainsi d’opérer un choix dans les mesures d’entretien de ces espaces souvent favorables à de nombreux éléments de la flore et de la faune dont de nombreux « auxiliaires » (insectes prédateurs, musaraignes, orvet,…) contribuant à limiter le développement d’espèces d’insectes indésirables. Tenir compte de ces enjeux permet un ajustement de mesures de gestion passant notamment par une rationalisation de la fréquence des interventions tout en favorisant la biodiversité. A terme, l’obtention d’un développement de végétations spontanées dominées par des graminées contribuera à limiter durablement le développement des adventices tout en ne nécessitant qu’un broyage annuel tardif.

Etape n°3 : Gestion et maintien de la stabilité des talus

Implantées sur des coteaux, les parcelles de vignes sont souvent jouxtées par des ruptures de pentes et des talus. Ces espaces sont l’objet de processus naturels qui tendent à induire un mouvement de sédiments issu des versants et emportés par le ruissellement ou par des mouvements de masse du substrat qui tend à s’accumuler en bas de pente. L’accumulation de substrat en bas de pente est un processus naturel qui permet au versant de tendre vers une pente d’équilibre gage de stabilité de la pente.
L’instabilité de la pente peut être accentuée par des opérations de décaissement et par la coupe ou le désherbage de la végétation. En effet, en l’absence d’une végétation suffisamment enracinée et couvrante le substrat entraîné par le ruissellement se retrouve progressivement en bas de pente.
L’installation de blocs de pierre, de traverses de chemins de fer et d’étaies ne font souvent que retarder les déplacements superficiels de substrat. Ces situations évoluent inexorablement vers des mouvements de terrain d’intensité variable.
Dans bien des cas seul la mise en place d’opérations de réajustement de la pente du talus (surtout dans le cas de décaissement) étroitement associées à des opérations de gestion adaptée du couvert végétal localement couplée à des plantations d’arbustes permet de stabiliser la situation.

les nombreuses aménagements implantés pour stabiliser la pente (inesthétique et demandant beaucoup d’efforts) se révèlent insuffisant face à l’ampleur des processus naturels
les nombreuses aménagements implantés pour stabiliser la pente (inesthétique et demandant beaucoup d’efforts) se révèlent insuffisant face à l’ampleur des processus naturels

Le maintien de l’intégrité des talus et la gestion « douce » des couverts végétaux sont des pratiques favorables à une sécurisation des parcelles situées en contrebas et à la biodiversité au sein du vignoble. Les talus et ruptures de pente, gîtes de nombreuses espèces alliées des viticulteurs, contribuent à la qualité de vie des usagers de l’espace rural et à l’identité paysagère locale offrant des perspectives attrayantes aux touristes de passage…

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