Talus viticole : Un autre regard

Les talus, fourrières et autres marges font partie intégrante des paysages agri-viticoles. Pour autant, ils restent méconnus des usagers de l’espace rural. Dans bien des cas, ils ne sont pas considérés comme une composante des parcellaires mais comme des espaces incultes dont la gestion peut s’avérer contraignante.
Sur la base d’observations et de suivis opérés au sein d’espaces ruraux de Champagne crayeuse, l’association Symbiose en partenariat avec l’ensemble des organismes professionnels agri-viticoles, propose aux exploitants et aux gestionnaires de porter un autre regard sur ces espaces. L’objectif principal que s’est fixé l’association, vis-à-vis de ces zones : déterminer objectivement s’ils constituent une gêne permanente ou s’ils peuvent, moyennant certains ajustements, être une opportunité pour l’exploitant.
Présentation de quelques pistes de réflexion.

Habitats pour des cortèges d’espèces

Occupant des zones interstitielles de faibles emprises (marges de chemins de desserte, emprises de dépôts, fourrières, délaissées…), souvent linéaires et enclavées, ces espaces semblent, de prime abord, peu favorables à la présence d’espèces animales et végétales d’intérêt. Bien au contraire, ils sont souvent considérés comme des réservoirs d’espèces nuisibles.
Toutefois, même si la situation est contrastée, leur relative naturalité et leur contiguïté avec les parcelles cultivées leur confèrent un rôle fonctionnel indéniable. En effet, outre une fonction de «zone tampon» limitant, dans une certaine mesure, la dispersion des effluents ainsi que l’érosion des sols, ces milieux particuliers constituent des habitats pour des cortèges d’espèces d’insectes et de plantes neutres ou alliés de la régulation naturelle des déprédateurs et des adventices de cultures.

La flore spontanée, un atout de taille

Initialement, la flore spontanée des marges de parcelles viticoles était constituée d’espèces herbacées maigres stables et adaptées à la topographie et à la nature du sol. Malheureusement, source de craintes vis-à-vis d’un développement non maîtrisé d’espèces adventices ou d’organismes déprédateurs, les espaces d’accompagnement des parcelles agri-viticoles (marges de chemins, fourrières, talus…) ont bien souvent été gérés de manière radicale et/ou systématique.

Talus viticole faisant l’objet d’un désherbage systématique – commune de Billy-le-Grand (51)
Talus viticole faisant l’objet d’un désherbage systématique.
On remarque la dominance du brome stérile et on imagine le risque de dissémination de cette espèce indésirable. L’entretien par le biais d’herbicides se révèle bien souvent contre-productif. Coûteux,
ce mode de gestion induit de nombreux désagréments pour l’exploitant : absence de stabilisation des pentes, développement d’espèces adventices envahissantes (ici le Brome stérile) et faible accueil d’espèces auxiliaires – commune de Billy-le-Grand (51).

Il suffit d’observer avec attention le résultat de ces actions pour remarquer par exemple qu’un talus régulièrement désherbé, héberge systématiquement du brome stérile – que le remaniement d’une fourrière ou d’un talus favorise le développement d’espèces végétales instables (dont de nombreuses adventices à problèmes), qui malgré un caractère prolifique n’opposent qu’une faible résistance à l’érosion. A contrario, un talus préservé héberge généralement des espèces végétales spontanées naturellement fixatrices des sols nus et dont le développement et la couverture limitent l’érosion superficielle. Ce, tout en retenant efficacement une bonne part du substrat. Ainsi, la flore spontanée peut être un atout de taille pour les viticulteurs en assurant la réalisation de plusieurs services gratuits (maintien des sols, réservoir d’auxiliaires de cultures…) tout en facilitant la gestion des espaces qu’elle couvre.

La gestion constitue un facteur déterminant vis-à-vis de la nature et de l’évolution des couverts végétaux se développant au sein de ces espaces particuliers. Moyennant un diagnostic de la situation et la mise en œuvre d’ajustements et de pratiques adaptées, il est possible (avec un temps variable selon l’état de dégradation de la flore) d’obtenir le retour à des situations stables de couverts spontanés défavorables aux espèces annuelles sources de nuisances au sein des parcelles. Adaptée au sol et à l’environnement immédiat, la flore spontanée est, dans la limite de contrainte technique, à préférer aux semis de couverts dont les plus-values sont éphémères et souvent limitées.

Pas de désherbage chimique pour les talus

Enfin, si l’on veut présenter rapidement les techniques de gestion qui semblent, au regard des éléments dont nous disposons actuellement, les plus adaptées aux contraintes techniques des exploitants tout en étant plus favorables aux éléments de faune et de flore locaux, il est important de distinguer trois compartiments distincts : les talus, les chemins et fourrières ainsi que les talus en lisière de boisements.
Pour les talus, l’entretien doit être exempt de tout désherbage chimique. Il est important de privilégier la fauche des stations d’espèces adventices ou envahissantes (avant montée en graines) afin d’enrayer leur prolifération tout en favorisant la reconstitution d’un couvert spontané qui s’opposera naturellement à la pousse de ces espèces indésirables. Si le couvert herbacé est exempt de taches d’adventices, le recours à une fauche annuelle (ou tous les 2 ans) tardive ou précoce (dans l’idéal entre septembre et mi-mars) est une méthode adaptée au talus crayeux. Le maintien, l’entretien voire l’implantation localisée d’éléments arbustifs permet de diversifier les habitats favorables à la faune tout en augmentant la stabilité des pentes. Par contre la présence de clématite des haies demeure une problématique épineuse auquel le gestionnaire peut être confronté. Il est impossible de proposer une méthode générique permettant de réguler durablement la présence de cette espèce envahissante. Seule une analyse au cas par cas permettra d’apporter une réponse adéquate. Toutefois, la mise en œuvre de deux fauches (une précoce et une tardive) permet d’affaiblir la plante et d’en limiter l’expansion.

Riche pelouse calcicole localisée sur un talus viticole – commune de Billy-le-Grand (51)
Riche pelouse calcicole localisée sur un talus viticole. On remarque la floraison remarquable du genêt poilu et de la potentille printanière Ce talus enclavé au sein des vignes bénéficie d’un historique d’entretien exempt de désherbage chimique ainsi que d’une gestion par le biais d’une fauche annuelle. – commune de Billy-le-Grand (51).

Une tonte la plus tardive possible

En ce qui concerne les chemins et les fourrières, la flore à l’instar de celle des prairies pâturées intègre de nombreuses espèces résistantes au tassement et à la coupe régulière telles que le ray-grass, le trèfle rampant et la potentille rampante. Compte tenu des contraintes imposées à la flore, sa diversification apparait complexe. Néanmoins, un ajustement des pratiques peut permettre d’agir de manière satisfaisante sur le couvert herbacé. Par exemple, lorsque cela est techniquement possible, il est intéressant d’opter pour une tonte la plus tardive possible. La fauche tardive permet aux espèces végétales de fleurir et de produire des semences. Afin de limiter le développement des espèces adventices indésirables, il est aussi conseillé de limiter l’enrichissement du sol en réduisant au maximum la fréquence des tontes et, quand cela est possible, en exportant les produits.

Espèces et habitats naturels remarquables

Enfin, les lisières de forêts hébergent, dans bien des cas, des espèces et des habitats naturels remarquables. Interface entre les boisements et le vignoble ces espaces font l’objet d’une gestion (contrôle du développement des broussailles) nécessaire au maintien des éléments de faune et de flore dépendant des milieux herbacés ouverts. Malheureusement, l’absence de gestion régulière ou la mise en œuvre d’opérations trop brutales (talutage et désherbage chimique) sont de nature à compromettre le maintien des espèces les plus fragiles tout en favorisant le développement d’espèces végétales indésirables. Aussi, la mise en place d’un broyage annuel tardif (septembre-octobre) est de nature à limiter le développement des clématites des haies et des broussailles tout en permettant aux espèces animales et végétales d’effectuer leurs cycles vitaux. Les secteurs les plus embroussaillés nécessitent toutefois la mise en œuvre d’opérations de gestion plus appuyées associant un broyage précoce (entre fin février et mi-mars) et un broyage tardif (septembre-octobre).

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