Intérêt confirmé d’Apiluz pour les pollinisateurs et autres insectes utiles

Validé scientifiquement via une expérimentation de 3 ans sur la commune de Beine Nauroy de 2014 à 2016, le projet APILUZ consiste à maintenir dans les parcelles de luzerne, des bandes non fauchées (BNF) de trois mètres de large. Objectif : laisser la luzerne monter à fleur pour fournir aux pollinisateurs la ressource alimentaire qui leur manque pendant la saison de récolte des cultures (juin-juillet).

Depuis la campagne 2021, le projet APILUZ implique de nombreux partenaires dont les coopératives de déshydratation de luzerne du territoire et 2 400 agriculteurs qui ont aménagé leur récolte pour laisser quasi 1 900 km de BNF sur six départements (Marne, Aube, Ardennes, Aisne, Yonne et Seine-et-Marne).

Une expertise de Réseau Biodiversité pour les Abeilles

Si en 2021 les conditions météo défavorables (été froid et pluvieux) à la production de nectar par la luzerne et à l’activité des pollinisateurs n’avait pas permis de mesure l’impact écologique des BNF, la campagne 2022 a connu une météo beaucoup plus propice (températures élevées pendant l’été) malgré le manque de pluviométrie.

Les experts écologues du Réseau Biodiversité pour les Abeilles (RBA) ont ainsi pu mesurer l’impact des Bandes de luzerne Non Fauchées sur les pollinisateurs et autres insectes.

La luzerne des BNF observées a fleuri principalement en juin et juillet ; quelques unes étaient encore en fleurs en août et septembre. Les BNF ont laissé très peu de place aux adventices (mauvaises herbes). Les pollinisateurs présents étaient donc bien attirés par les fleurs de luzerne et non par celles des adventices.

Une grande diversité de pollinisateurs

Grâce à ces conditions favorables (météo et fleurissement de la luzerne à une période de manque de ressource), une plus grande diversité de pollinisateurs sauvages a été observée en 2022 (comparé à 2021) avec quatre-cinq espèces d’abeilles sauvages et au moins six espèces de bourdons identifiées, auxquels s’ajoutent des abeilles domestiques.

Les BNF laissées en juin ont permis d’attirer et de nourrir principalement les pollinisateurs sauvages, particulièrement les bourdons. L’absence d’abeilles domestiques, alors que le nectar était présent, peut être expliquée par d’autres ressources plus attractives disponibles en même temps.

En juillet, les fleurs de luzerne ont été butinées massivement par l’abeille domestique. On note également la présence d’abeilles sauvages mâles qui laisse supposer des lieux de reproduction proches, peut-être même dans la BNF qui pourrait constituer une zone de reproduction pour certains pollinisateurs, en plus de leur apporter nourriture et refuge.

La présence de prédateurs de pollinisateurs comme la Pilanthe apivore (Philanthus triangulum) peu commune, a également été observée dans les BNF, signe de la présence suffisante de pollinisateurs pour les nourrir.

Une présence d’auxiliaires des cultures

On note également la présence d’auxiliaires avec un pic en juin et en septembre : syrphes, coccinelles, chrysopes tout au long de la saison et des hyménoptères parasitoïdes (petites guêpes) en août. Ces auxiliaires sont très utiles pour l’agriculture car ils se nourrissent de certains insectes qui ravagent les cultures (puceron, cochenille, pyrale, cicadelle…). En leur apportant de la nourriture et un refuge à une période où la quasi-totalité des cultures sont récoltées, les BNF pourraient inciter ces auxiliaires à fixer leur population sur les exploitations agricoles en fin de saison. Même non fleurie, une BNF présente aussi un intérêt (zone de refuge) pour ces auxiliaires.

Un intérêt pour la trame verte

En prenant un peu de hauteur et en regardant la disposition des BNF sur une commune comme celle de Beine-Nauroy, on s’aperçoit qu’elles contribuent à établir des corridors écologiques dans la plaine (entre deux bois par exemple).

Composés d’habitats naturels, semi-naturels et interstitiels en pas japonais ou en linéaire, les corridors écologiques permettent aux espèces de se nourrir, de migrer et de se reproduire à l’échelle du paysage.